
Forces et limites de l'IA dans les éditeurs de code
Les éditeurs de code traditionnels évoluent aujourd’hui vers des interfaces plus « intelligentes ». Deux acteurs récents dominent les débats : Cursor et Windsurf (issu de Codeium). Tous deux se présentent comme des EDI « IA-empowered » destinés à accélérer le codage et améliorer la productivité. Analysons leurs atouts et limites selon divers critères clés, puis comparons les à d’autres solutions d’édition assistée par IA (Copilot Workspace, Tabnine, CodeWhisperer…) ainsi qu’aux éditeurs classiques (VS Code, EDI JetBrains, etc.). Notons tout de même que JetBrains intègre désormais tous ses outils d'IA dans ses EDI via un abonnement unique qui comprend un forfait gratuit.
Intégration de l’intelligence artificielle
Cursor et Windsurf se fondent tous deux sur de grands modèles de langage (LLM) avancés. En pratique, ils utilisent des IA « copilot » comme Claude 3.5 Sonnet ou GPT-4 pour générer du code. Leur cœur IA est donc similaire : on y retrouve les mêmes fondations technologiques, et nombre d’utilisateurs notent que la qualité des suggestions (fautes corrigées, complétions multiples, générer des fonctions complètes) est équivalente d’un outil à l’autre. Les différences résident plutôt dans la couche logicielle et l’expérience utilisateur :
- Mode agentique vs manuel : Windsurf mise par défaut sur un agent IA collaboratif (« Cascade ») qui analyse automatiquement le projet et exécute des tâches complexes, y compris lancer des commandes shell, sans qu’on lui précise manuellement le contexte. Cursor propose aussi un mode agent (via son « Composer »), mais laisse le choix à l’utilisateur : on peut opter pour un assistant manuel qui se contente de suggestions incrémentales. En clair, Windsurf cherche « l'expérience qui fonctionne juste » sans trop de réglages, alors que Cursor offre un contrôle plus fin au prix d’une configuration plus explicite.
- Flux de travail : Windsurf intègre directement les modifications IA dans le code avant même leur acceptation. On voit ainsi en temps réel le code généré (et ses éventuelles erreurs de build) avant de confirmer la suggestion. Cette réactivité « en continu » facilite le cycle itératif (test, ajustement, acceptation ou annulation). Cursor, lui, requiert d’abord l’acceptation pour insérer le code assisté, rendant les retours en arrière plus délicats si l’on veut comparer avant/après.
- Fonctionnalités IA annexes : Cursor est riche en « petites » fonctions IA embarquées (boutons « Fix with AI », « Debug with AI » dans l’interface, correcteur de faute en ligne, auto-complétions multi-lignes, générateur automatique de messages de commit, détecteur de bugs, etc.). Windsurf, quant à lui, garde une interface plus épurée, avec peu d’éléments superflus visibles : tout se commande principalement via l’éditeur de chat IA et ses « flows », ce qui peut convenir à ceux qui souhaitent une interface moins chargée
Au final, les deux outils offrent un niveau d’IA comparable pour les tâches essentielles (complétion de code, chat avec la base de code, refactoring multi-fichiers). Windsurf se positionne comme plus simple et « orienté débutant » (agent IA dès l’ouverture, indexation automatique du code), tandis que Cursor se veut un outil puissant pour utilisateurs avancés prêt à gérer contexte et réglages détaillés (multi-fenêtrage, règles contextuelles .cursorrules, etc.). Leur différence tient moins aux modèles IA (tous deux s’appuient sur des modèles standard) qu’à leur philosophie UX.
Support des langages et framework
Les éditeurs IA cherchent à soutenir un large éventail de langages. Cursor fonctionne avec n’importe quel langage – ses concepteurs insistent sur le fait que même les langages moins populaires (Rust, C++, CUDA…) sont optimisés dans leurs modèles. Windsurf (autrefois Codeium) déclare prendre en charge plus de 70 langages : on y trouve les classiques (JavaScript, Python, TypeScript, Java, PHP, Go, C/C++, Ruby, etc.) et bien d’autres. GitHub Copilot (Workspace) couvre pratiquement tous les langages majeurs (Py, JS, TS, Ruby, Go, C#, C++, etc.), tout comme Tabnine (qui indique « 600+ langages, bibliothèques et frameworks » dans sa documentation). En revanche, certains outils ciblent des niches : par exemple, Amazon CodeWhisperer se concentre sur l’écosystème AWS et supporte actuellement Java, C#, JavaScript, Python, TypeScript.
En pratique, ces assistants embarquent le support via des plugins aux éditeurs (VS Code, IntelliJ, etc.) existants. Cursor et Windsurf sont bâtis sur un fork de VS Code, jouissant ainsi de la vaste compatibilité de cet éditeur (thèmes, extensions, raccourcis). GitHub Copilot s’intègre nativement dans VS Code, Visual Studio, JetBrains, etc. Tabnine offre des extensions pour VS Code, IntelliJ, Vim, Sublime, et plus encore. Ainsi, quel que soit le langage de prédilection ou le framework (React, Django, Flutter…), il y aura probablement une solution IA compatible via l’éditeur approprié.
Ergonomie de l’interface utilisateur
Les deux produits mis en avant diffèrent beaucoup sur la forme. Windsurf arbore une interface épurée au design moderne : pas de surplus de boutons ni d’onglets multiples, l’utilisateur « chat » directement avec l’IA et valide ou rejette les changements en contexte. Par exemple, Windsurf masque par défaut les diffs de code et ne les affiche qu’à la demande, évitant l’encombrement visuel. Cursor, à l’inverse, multiplie les interfaces d’assistance : chaque zone d’erreur ou bouton de l’éditeur peut déclencher un dialogue avec l’IA (« Fix with AI », « Debug with AI », etc.). Cette profusion de raccourcis (« solution à tout ») est puissante mais peut sembler bourrée de fonctionnalités pour qui préfère la sobriété.
Sur le plan de la prise en main, Windsurf se décrit comme « beginner-friendly » : il suffit de lancer l’éditeur et de se lancer en langage naturel, l’IA se débrouille pour prendre le contexte nécessaire. Cursor, lui, requiert parfois de sélectionner manuellement le contexte (fichiers, répertoires) et gère un historique de chat où l’on revient aux étapes antérieures. Cela lui donne plus de maîtrise mais impose une courbe d’apprentissage. Par ailleurs, Cursor propose des workflows comme « multi-tabbing » (boucler des modifications séquentiellement en appuyant sur Tab plusieurs fois) et des outils expérimentaux (bug finder, générateur de messages de commit, etc.). Ces éléments témoignent d’une interface plus « bricolée par les devs, pour les devs », tandis que Windsurf mise sur la fluidité d’usage et les animations de « flow ».
En résumé, Windsurf se rapproche de l’expérience épurée d’Apple : simple, minimaliste, conçue pour rester concentré, sans surcharger l’écran. Cursor rappelle davantage l’écosystème Windows/Microsoft : riche en options et en boutons, tout en permettant un haut degré de personnalisation de l’éditeur (on peut importer ses thèmes et keybindings VS Code). Le choix entre les deux dépend donc du goût : interface ultra-sobre ou boîte à outils exhaustive.
Performance et fiabilité globale
Du point de vue des performances, tous ces éditeurs font appel à des serveurs distants pour l’IA (Claude, OpenAI, etc.). La réactivité dépend donc de la latence réseau et des quotas de requêtes. Windsurf annonce marketinguement des « performances inégalées » dans son interface, mais en pratique la rapidité ressentie est comparable pour chacun : toutes les suggestions de code (complétion, chat) prennent quelques secondes au maximum, semblable à Copilot. Notons que certains outils comme Tabnine permettent aussi un fonctionnement hors ligne (avec des modèles embarqués) pour garantir la confidentialité et la performance locale, surtout en entreprise.
En termes de stabilité, les éditeurs classiques (VS Code, EDI JetBrains) restent plus légers : ils ne consomment pas autant de ressources système lorsqu’ils ne sollicitent pas l’IA. Les versions basées sur VS Code (Cursor, Windsurf) héritent de sa robustesse ; cependant, l’ajout massif de fonctionnalités IA (diffs, chats, agents) peut rendre l’EDI plus gourmand en mémoire. Pour de très gros projets, Windsurf et Cursor prétendent conserver le contexte efficacement (indexation de code), mais quelques utilisateurs rapportent que Windsurf gère mieux les grands codebases grâce à sa « conscience contextuelle » avancée (surtout via le mode Cascade). Cursor offre quant à lui des outils de gestion de contexte très solides (fichiers/tag web/notepads), ce qui peut améliorer la pertinence des suggestions dans des projets complexes.
Comparaison élargie avec d’autres outils IA
Pour situer Cursor et Windsurf, comparons-les à d’autres éditeurs/assistants IA répandus.
GitHub Copilot (Workspace)
Il s’agit de la solution IA la plus adoptée. Copilot agit comme un compléteur de code intégré à l’éditeur (VS Code, JetBrains, etc.), suggérant lignes et fonctions en temps réel. En 2024, GitHub a lancé Copilot Workspace, un environnement complet où l’on décrit des tâches en langage naturel, et plusieurs agents Copilot planifient et génèrent le code correspondant. Copilot est formé sur le code GitHub, supporte presque tous les langages majeurs (Python, JS/TS, Java, C#, C++, Ruby, Go…), et se décline en version gratuite limitée (2000 complétions/mois) ou payante illimitée (10 $/mois pour l’individuel Pro, 39 $/mois Pro+ pour l’accès à GPT-4.5).
Ses points forts : vaste communauté d’utilisateurs, intégration naturelle avec GitHub et les workflows de pull request, chat intégré pour corriger ou déboguer le code. En revanche, Copilot ne possède pas de mode agent autonome : c’est essentiellement une autocomplétion avancée, moins orientée tâches ou agents externes. De plus, son modèle propriétaire lui fait collecter des données sur les dépôts GitHub (à l’inverse de Tabnine ou Cursor en mode « privacy »), ce qui peut poser des questions dans les contextes sensibles.
Tabnine
Ancien pionnier, Tabnine est conçu pour être « privé » et « personnalisable » (on peut fine-tuner son modèle sur son propre codebase). Il couvre lui aussi des centaines de langages et s’intègre à toutes sortes d’IDE (VS Code, JetBrains, Sublime, Vim…). Tabnine a mis l’accent sur la confidentialité des données (modèles on-premise, « zero data retention »), ce qui plaît aux équipes soucieuses de protection de la propriété intellectuelle.
Côté fonctionnalités, il propose autocomplete multi-lignes, assistants de refactorisation et même du chat, mais n’est pas basé sur un environnement EDI complet comme Windsurf ou Cursor. Ses utilisateurs louent sa faible latence et l’acceptation élevée de ses suggestions (jusqu’à 90% pour certains). En contrepartie, Tabnine est plus simple et moins orienté « agent de tâche » ; il mise sur sa flexibilité (prise en charge d’environnements variés, absence de verrouillage) plutôt que sur une expérience dédiée.
Amazon CodeWhisperer
C’est l’outil IA d’AWS. En usage individuel, il est gratuit (s’intègre via l’AWS Toolkit aux EDI JetBrains/VS Code), mais une version Pro facturée (~19 $) offre gestion d’entreprise et analyses de sécurité supplémentaires. Son spectre est plus étroit que Copilot : il cible avant tout les langages populaires (Java, C#, JS, Python, TS) et est optimisé pour les technologies Amazon.
Contrairement à Cursor/Windsurf, CodeWhisperer inclut nativement des fonctionnalités de revue de sécurité (notamment la détection de secrets ou vulnérabilités via scan) et le respect de la confidentialité (on peut désactiver l’envoi de fragments de code aux serveurs AWS). Son atout est la gratuité pour de l’auto-complétion de base et sa conformité relative pour les entreprises AWS, mais il reste techniquement moins abouti sur l’UI (pas d’éditeur propriétaire) et moins polyvalent hors environnement AWS.
Autres (Ghostwriter, SourceGraph Cody, etc.)
Nous pouvons aussi citer brièvement Replit Ghostwriter (IA dans l’EDI en ligne Replit), ou SourceGraph Cody (complétions via serveur local) ; ces outils sont soit spécifiques à leur plate-forme, soit fermés. Leur part de marché reste marginale comparée aux précédents.
Éditeurs traditionnels sans IA
VS Code
En marge des nouveautés IA, les développeurs continuent d’utiliser massivement les éditeurs classiques. VS Code reste ultra populaire : gratuit et open-source, il supporte tous les langages via extensions. Son écosystème est tel qu’on y trouve aujourd’hui des plugins pour chaque assistant IA (Copilot, Tabnine, Codeium, etc.), ce qui crée une passerelle avec les outils IA.
JetBrains
Les EDI JetBrains (IntelliJ IDEA, PyCharm, WebStorm…) dominent les environnements professionnels depuis longtemps. Offrant complétion intelligente, refactoring poussé, débogueur intégré et plugins pour pratiquement toutes les technologies, ils sont très matures, mais leur modèle payant et leur poids en RAM les rendent plus adaptés aux grandes équipes et projets. Sublime Text, quant à lui, est léger et très rapide, apprécié des puristes, mais n’intègre pas nativement d’IA.
Globalement, ces éditeurs sans IA fournissent une base stable : des éditeurs multiplateformes, modifiables et extensibles, avec des années d’optimisation pour la navigation dans le code, le débogage et le déploiement. Leurs points faibles face aux nouveaux venus IA sont l’absence d’automatisation (tout taper à la main) et parfois la multiplication de plugins. L’écosystème se rééquilibre toutefois avec les plugins IA : on peut ajouter Copilot ou autre à VS Code/JBrains pour transformer l’expérience de base.
Il convient de noter toutefois que tous les outils d’IA de JetBrains, y compris son Assistant IA amélioré et son nouvel agent d’aide à la programmation Junie, sont maintenant disponibles dans les EDI de l'éditeur de logiciels via une formule d’abonnement unique, qui comprend un forfait gratuit.
Conclusion
Au final, l’IA en édition de code n’est pas un remplacement pur et simple, mais plutôt un nouvel atout dans l’arsenal du développeur. Les solutions IA comblent les tâches fastidieuses et génèrent du code, tandis que les EDI classiques restent indispensables pour l’organisation du projet et l’édition fine. D’ici quelques années, le frontière entre éditeur avec ou sans IA sera sans doute floue : on pourrait s'attendre à voir ces fonctionnalités IA se généraliser (ne serait-ce qu’en plugin) dans tous les environnements, de façon transparente. Pour l’instant, Cursor et Windsurf donnent un aperçu du futur EDI « augmenté par l’IA », face à des alternatives comme Copilot Workspace qui explorent la productivité collective en langage naturel. Dans cette course, l’utilisateur (ou son entreprise) devra arbitrer entre ergonomie, puissance IA, prise en charge linguistique, coûts, et intégration existante.
Sources : documentation Cursor, Windsurf, Tabnine, documentation Tabnine
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