« Programmer est un travail à temps plein, brutal et incompatible avec la maternité », déclare Patrick Shyu – comme motif pour demander aux femmes à la recherche d’un emploi chez Google « d’aller faire des enfants, car la programmation est une activité trop contraignante. » Chacun jugera de la démarche de l’ancien responsable technique de Google faisant suite à sa sortie sur Twitter pour s’en vanter et ensuite procéder à la suppression des messages relatifs. Il n’en demeure pas moins qu’elle a le mérite de raviver les questionnements sur les raisons pour lesquelles les femmes continuent d’être moins nombreuses que les hommes dans l’univers de la technologie. Peut-on nier le fait que la programmation puisse être une activité très contraignante pour les femmes en comparaison aux hommes ? Quid de l’impact des différences biologiques ?
« Programmer est un travail à temps plein, brutal et incompatible avec la maternité. Les mères reviendraient obsolètes et dépassées après un congé de maternité », a-t-il mis en avant comme motif pour rejeter toutes les femmes face à lui lors d’entretiens d’embauche. « Allez faire des enfants. Ne vous inquiétez pas, je suis plus intelligent que vous », leur assénait-il.
Shyu est d’avis que les femmes devraient exercer comme mères ou épouses (pour tirer parti de leur « force naturelle ») plutôt que comme programmeuses : « Personne n'a demandé de femmes programmeurs. Nous avons demandé des femmes influentes et nous avons eu droit à des "femmes indépendantes" en pantalon. L'indépendance n'existe pas si vous voulez une famille. Une femme devrait avoir pour priorité d'être une bonne mère et une bonne épouse, pas une machine à coder. "Mère/épouse" est un excellent travail. »
Tout sexisme mis de côté, le fait ici est qu’on retrouve moins de femmes dans l’univers de la technologie que d’hommes. Des publications antérieures soulignent un abandon de la filière STIM (Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques) par les femmes et mettent en avant les différences d’ordre biologique comme justificatif. Dans son étude, Karen Morenz cite la nécessité de trouver un équilibre entre responsabilités professionnelles et familiales comme argument mis en avant par ces femmes. D’après des statistiques 2018 rapportées par l’universitaire, les départs interviennent dans l’intervalle 30-35 ans ; les concernées entament à peine leur carrière universitaire nanties de leur doctorat, mais « l’horloge biologique » sonne déjà avec acuité. En effet, c’est dans cet intervalle que l’on se met à noter une baisse importante de la fertilité de la femme. C’est aussi celle où les risques liés aux grossesses commencent à devenir plus importants. Chez les hommes, note-t-elle, l’on relève que la baisse de fertilité frappe à la porte autour de 45 ans.
« À ce stade, je dois m'assurer de ce que vous êtes au fait des notions de base en matière de biologie de la reproduction féminine. Selon Wikipédia, à l'âge de 25 ans, le risque de concevoir un bébé avec des anomalies chromosomiques (y compris le syndrome de Down) est de 1 sur environ 1400. À 35 ans, ce risque est plus que quadruplé, soit 1 sur 340. À 30 ans, l'on a encore 75 % de chances d’accoucher dans de bonnes conditions dans l’année qui suit, mais à 35 ans, ce taux chute à 66 % et à 40 ans, il est tombé à 44 %. Entre-temps, 87 à 94 % des femmes signalent au moins un problème de santé immédiatement après la naissance, et 1,5 % des mères ont un problème de santé grave, tandis que 31 % ont des problèmes de santé persistants à long terme à la suite de la grossesse. De plus, les femmes de plus de 35 ans sont plus concernées par les risques de complications du type accouchement prématuré, hypertension, pré-éclampsie superposée, pré-éclampsie grave. En raison de ces facteurs, les grossesses chez les femmes de plus de 35 ans sont connues sous le nom de " grossesses gériatriques " en raison du risque considérablement accru de complications. Ce délai serré pour les naissances est souvent appelé " l'horloge biologique ". Si les femmes veulent une famille, elles doivent en principe commencer avant 35 ans. Cela ne veut pas dire qu'il est impossible d'avoir un enfant plus tard, mais c'est plus risqué », indique-t-elle.
Conséquence : l’on est plus susceptible de retrouver plus d’hommes à des postes de recherche en STIM, car la plupart des femmes choisissent de contourner les contraintes de leur horloge biologique. Toutefois, Karen Morenz souligne que les institutions qui mettent en place d’excellentes politiques en matière de garde d’enfants et de congés de maternité parviennent à doubler leurs effectifs de femmes dans ces filières en comparaison d’autres qui n’en disposent pas.
La publication de Karen Morenz fait suite à celle de James Damore. En 2017, l’ex-Googler a publié un mémo pour expliquer les inégalités salariales, entre autres, dans la filière technologique. Comme Karen Morenz ce dernier s’était refusé de les mettre sur le compte d’une discrimination basée sur le sexe, mais les avait expliquées par des « différences biologiques. »
« On se demande toujours pourquoi on ne trouve pas de femmes à des postes de responsabilité, mais on ne demande jamais pourquoi on y trouve autant d’hommes », avait-il lancé. D’après ce dernier, c’est également parce que « ces postes nécessitent souvent de longues et stressantes heures de travail qui peuvent ne pas valoir le coup si vous voulez mener une vie équilibrée et gratifiante. » Il avait également estimé que les aptitudes naturelles des hommes les conduisent à devenir facilement des programmateurs en informatique, alors que les femmes sont, plus enclines « aux sentiments et l'esthétique plutôt que vers les idées ». Ce détail justifierait le fait que ces dernières optent en général pour des carrières « dans le social ou l'artistique » comme le souligne Karen Morenz dans sa publication.
Sources : Twitter, billet Morenz
Et vous ?
Visiblement il pense que le nombre d'heure est bien plus important que la qualité du code. Etes vous d'accord avec cette idée qu'un programmeur est un métier 24/7 ?
Il reconnait dans un de ses tweets que les femmes peuvent être de bonnes programmeuses et qu'il ne les refuse que par idéologie. Trouvez vous cette façon de recruter pertinente ?
Est ce le genre de chef que vous aimeriez avoir ?
Pensez-vous que Patrick Shyu est un bon manager/responsable technique ?
D'un point de vue professionnel, comment trouvez-vous vos collègues femmes en général aux postes de développeurs et IT Pro ?
D'après vous, pourquoi les femmes sont-elles sous-représentées dans les filières STIM ?
Voir aussi :
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Un ancien responsable technique de Google se vante d'avoir l'habitude de détruire les CV des femmes devant elles : « Allez faire des enfants »,
Car « programmer est une activité trop contraignante »
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Car « programmer est une activité trop contraignante »
Le , par Patrick Ruiz
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